La révolte à deux sous de Bernard Clavel éditions Albin Michel 1992.
"Pataro ne ressemble vraiment à aucun animal connu. Sans âge ni forme, il est le chef-d'oeuvre de Schlakasse, le plus grand modeleur d'enfants que la ville ait tenu en ses mains (...)Démantibulé et recollé, Pataro se traine sur les genoux, les coudes et une hanche. Il ne lui manque pas une phalange, pas un millimètre d'oreille, il n'est ni sourd ni aveugle, mais pour progresser, il doit lever très haut ses bras et ses jambes en forme d'équerre et les lancer en avant sans jamais pouvoir ni les plier ni les déplier.." C'est le personnage principal du roman. Un roman cruel, tendre parfois, sauvage souvent, sans concessions et qui est inspiré de " La révolte des canuts" qui ensanglanta Lyon en novembre 1831
Pataro, mendiant patenté, dresseur d'animaux (chats, rats, oiseaux..), en compagnie de la petite Ratanne qui n'avait que quelques jours lorsque les rats lui ont dévoré le visage la laissant horriblement défigurée, a ses habitudes Place de l'Hôtel de ville, où les passants sont généreux.
Les tisserands demandent une augmentation de deux sous sur la façon. Leurs employeurs la refusent. C'est la grève qui conduit à l'émeute. Et l'émeute, attisée par un meneur irresponsable, conduit à la révolution, à l'affrontement armé contre les bourgeois et l'autorité. La République est proclamée, les arrestations arbitraires contre les édiles vont bon train, les tribunaux de salut public distribuent les condamnations à mort. On n'attend plus que la guillotine.
Pataro va jouer les « deus ex machina » pendant ces évènements. Pour en tirer profit. Vendant des renseignements aux patrons, monnayant ses services aux insurgés.
Ameutant la foule des déshérités pour aider les « canuts », aidant les notables emprisonnés à s’enfuir de leur geôle. Sans jamais oublier de nourrir ses « animaux » et d’enterrer les pièces d’argent amassées.
Un gros orage et l’inondation qui suit, sans oublier un renfort de troupes, viendront apaiser les rancoeurs…..Les tisserands n’obtiendront pas leurs deux sous !…
« Toujours en mouvement, ce roman nous livre sans grandiloquence mais avec force et beauté les secrets d’un peuple et d’un lieu portés à blanc. Ce livre a une âme. Un très grand Clavel » Sans commentaires.
N.B. : en novembre 1831, les canuts de la Croix Rousse à Lyon, se révoltent contre leurs employeurs du 21 au 24 novembre. Un gouvernement provisoire fut formé le 24, éphémère , puisque le 03 décembre, le Duc d’Orléans à la tête de 20.000 hommes mata la rébellion. Le tarif minimal revendiqué ne fut pas appliqué, le Président du Conseil d’alors, Casimir Perier ayant déclaré « Il faut que les ouvriers sachent bien qu’il n’y a de remède pour eux que la patience et la résignation » ( on croirait entendre le MEDEF un siècle et demi plus tard).