A propos de la Foire du Livre qui se termine à Bruxelles...
Les jours de salon du livre, les tréteaux des éditeurs offrent un spectacle peu réjouissant : celui d'auteurs assis derrière des piles de leurs bouquins, attendant que des lecteurs veuillent bien venir se les faire dédicacer (et les acheter si possible). Le persil est rare, et souvent le lecteur ne vient pas, soit qu'il soit timide, soit qu'il soit indifférent. Parfois il n'est tout simplement pas lecteur. L'auteur vit alors des instants épouvantables. Rien n'est plus triste, dans les limites étroites du paysage intellectuel, qu'un écrivain restant seul face à ses livres. Trois types d'attitude sont généralement constatés. Un : l'écrivain agit comme s'il n'était pas concerné. Il a d'ailleurs pris la précaution de venir avec quelques amis pour discuter de choses et d'autres, en ricanant nerveusement. Si quelqu'un se pointait pour avoir un gentil petit mot sur la page de dédicace, l'intéressé serait capable de prétendre que l'auteur est parti boire un coup. Une attitude plus noble (la deux) consiste pour l'auteur à assumer son calvaire, seul, sans échappatoire, sans excuses, en faisant bien face à l'infortune. La troisième et dernière attitude est la plus singulière. L'auteur se plonge intensément dans son propre livre, comme s'il l'ouvrait pour la première fois (pour certains, il se peut que ce soit le cas). Il s'intéresse à cette étrange littérature, peut-être même la trouve-t-il à son goût. L'écrivain reprend une vie normale, bien au large de l'écriture, des cruelles maisons d'édition et de leurs idiotes séances de signature.