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 "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel

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Ane Bâté
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Ane Bâté


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MessageSujet: "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel   "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel EmptyMar 5 Avr - 10:40

Mon post va certainement vous paraître long Very Happy mais l'interview accordée à Télérama par Alberto Manguel, auteur entre autres du "Dictionnaire des Lieux Imaginaires" et de "Dans la Forêt du Miroir", deux essais passionnants sur la lecture, vaut à mon sens qu'on s'y attarde. Or, je n'ai pas retrouvé l'article sur le Net - bien qu'il soit récent. Aussi me suis-je vue contrainte de le reproduire in texto ci-dessous.

Les propos de Manguel ont été recueillis par Martine Chaval.

"Face à la misère culturelle engendrée par la loi du profit, cet écrivain cosmopolite rappelle avec vigueur que la lecture est gage d'émancipation.

On craignait de le déranger ; lui, tranquille, donne de son temps, offre le café dans l'atmosphère ouatée d'une de ses bibliothèques, là où respirent les trente mille volumes qui ont mené son existence. Alberto Manguel a choisi un métier pas comme les autres : lecteur. « Je lis. Si j'ai le temps, j'écris ! » Manguel le gourmand parle des écrivains comme de vieux amis. Margaret Atwood, Stevenson, Rudyard Kipling, Sylvain Trudel, Gustave Flaubert, Erri De Luca, H.G. Wells, Chateaubriand, Azar Nafisi... habitent la même maison que lui.

Il y a encore quatre ans, Alberto Manguel était un nomade. L'incorrigible promeneur a posé ses valises et ses livres en France, dans un ancien prieuré près de Poitiers. Une campagne douillette, loin de tout tintamarre... Alberto Manguel, fils de diplomate, est né en 1948 en Argentine. Il a vécu à Tel-Aviv (où sa nurse lui apprend l'allemand et l'anglais, la langue qu'il a choisie pour écrire), au Canada (il en prend la citoyenneté en 1985), en Grande-Bretagne, en Italie, en Allemagne, à Tahiti. En 1955, de retour au pays natal, il apprend enfin l'espagnol. A 16 ans, alors qu'il travaille dans une librairie, il rencontre Jorge Luis Borges. Le poète, devenu aveugle, l'invite à lui faire la lecture. Avec Borges, le jeune Alberto fait rimer à l'infini lire et plaisir. Une passion se confirme - la lecture -, qui devient démarche de toute une vie, et fera de l'autodidacte polyglotte un « homme à tout faire » : essayiste, traducteur, éditeur... et romancier.

Alberto Manguel (Prix Médicis essai en 1998 pour Une histoire de la lecture) publie ces jours-ci un premier roman et un essai. "Un amant très vétilleux" est une fiction à deux personnages - le narrateur et son héros, un certain Vasanpeine employé aux bains-douches de Poitiers. L'écrivain, plus malicieux que jamais, détourne le genre libertin, imagine un jeu de piste en parsemant ici et là quelques clins d'oeil à la littérature et à ses amoureux. Un amant très vétilleux - ton coquin, écriture enlevée - se lit avec frénésie tout comme Pinocchio & Robinson, essai ludique et radical ! En exergue, il nous y offre ces mots de Goethe : « Les gens ne savent pas combien de temps et d'effort il faut pour apprendre à lire. J'y ai travaillé pendant quatre-vingts ans, et je ne peux toujours dire que j'y suis arrivé. » Composé de trois textes (dont deux conférences que l'écrivain donna dans divers pays), "Pinocchio & Robinson" (1) est une ode à la lecture, et un cri de rage : c'est les lecteurs qu'on assassine ! Alberto Manguel, aussi provocateur que généreux, imagine avec une drôlerie bienveillante le lecteur idéal : « La seule personne capable d'être polygame sans que ses nombreuses aventures ne lui soient jamais reprochées ! » Alberto Manguel, ou l'art de vivre d'amour, d'humour et de littérature.


Télérama : Dans ""Pinocchio & Robinson", vous affirmez que la lecture est méprisée, menacée. Ce livre est un cri de guerre...

Alberto Manguel : La lecture est tellement en danger qu'il ne faut pas faire de manières. Nous sommes au bord de la catastrophe. D'une façon peut-être unique dans l'histoire, nous sommes entrés dans une période de déshumanisation. Les pouvoirs économiques organisent la misère intellectuelle. L'acte intellectuel - lire, réfléchir - n'a plus aucun prestige parce qu'il ne crée aucun produit financier. Jadis, au moins, il y avait un réflexe de pudeur. Aujourd'hui, il n'y a qu'arrogance : les ignares étalent leur inculture et s'en vantent. Face à cette imbécillité galopante, je n'ai pas d'autre choix que d'écrire ma frustration, ma colère, mon angoisse.

Télérama : Comment définissez-vous l'acte de lire ?

Alberto Manguel : La lecture est une conversation. Avec un livre, un auteur, soi. Lire, c'est demander une présence. Lire, c'est découvrir, c'est aussi relire, au gré de ses désirs. C'est dialoguer avec le passé. C'est apprendre à penser, à repousser les limites, les nôtres, et même celles du livre que l'on lit. Lire, c'est rechercher les ambiguïtés, sans cesse se poser des questions. Et chaque fois que nous allons plus loin, nous nous éloignons d'une réponse facile. Dans la littérature, il n'y a pas de réponses monosyllabiques - oui, non -, que des espaces ouverts. Les résolutions simplistes, nous les trouvons dans les sitcoms, ou chez Paulo Coelho. Lire, c'est apprendre sur soi, c'est appréhender le monde. C'est prendre la liberté, le pouvoir.

Télérama : Lire peut être dangereux ?

Alberto Manguel : C'est pour cela que nos sociétés occidentales ne valorisent pas l'activité intellectuelle, réduisent les budgets de l'Education, de la Culture, ferment les bibliothèques ! Des individus perdus et soumis, voilà le socle de leur pouvoir. Alors, elles véhiculent une image du lecteur peu sexy, le caricaturent avec des lunettes, toujours seul, dans son coin, à faire quoi ? à penser quoi ? C'est un être dangereux puisqu'il est capable de se soustraire au régime imposé par la culture environnante. Notre société dévalorise la lecture pour se protéger des individus qui veulent la questionner.

Télérama : Vous portez sur le monde de l'édition des critiques virulentes...

Alberto Manguel : La concentration des maisons d'édition à laquelle nous assistons en France, mais qui existe depuis longtemps aux Etats-Unis, met les auteurs et les lecteurs sous une pression que je ne peux qualifier autrement que de dictature. C'est pour moi une situation équivalente à celle que j'ai connue en Argentine - mis à part tortures et crimes, qui sont au-delà de tout. Je retrouve le même climat d'angoisse et d'autocensure. Sous la dictature militaire en Argentine, ce n'est pas la police qui détruisait les livres. Nous le faisions nous-mêmes. Par peur, nous nous autocensurions. La génération des années 80 - celle qui suit les années de dictature - a vu ses parents brûler les livres... Aujourd'hui, nous regardons sans broncher les éditeurs censurer les livres. Le mot d'ordre, partout dans le monde, est de produire des livres qui se vendent. Fabriquer des best-sellers. Même les éditeurs intelligents sont obligés de nous faire croire que publier un best-seller permettra de publier un livre que l'on dit joliment « difficile ». L'auteur n'a plus le dernier mot sur son oeuvre, on peut lui faire changer le sexe d'un de ses personnages, on lui dit que c'est trop court, trop sophistiqué. Les éditeurs craignent leur direction, celle qui tient les finances, pour laquelle le mot valeur n'a de sens que d'un point de vue économique. Valeurs esthétiques, politiques, ils ne connaissent pas. Or Gabriel García Márquez a publié sept ou huit romans avant Cent Ans de solitude. La littérature demande du temps... Je crois la situation catastrophique. Il y a urgence à refuser la grosse artillerie commerciale, à soutenir les libraires et les éditeurs indépendants.

Télérama : Commerce et littérature ne font pas bon ménage...

Alberto Manguel : Je récuse l'idée qu'un livre soit un produit commercial. Simplement parce qu'il est essentiel à la survie d'un individu dans une société lettrée. Je garde un oeil révérencieux pour la France, qui aime le lait, le vin, le pain et le livre de poche ! Cela, c'est la vraie culture ! Un livre ne sera jamais un objet comme les autres pour une raison inhérente à toute oeuvre créatrice : le droit à l'échec ! Toute oeuvre est le résultat d'une somme d'échecs.

Télérama : Vous avez confié ce manifeste à un petit éditeur indépendant. C'est un geste militant ?

Alberto Manguel : Je suis fidèle à mon éditeur français, Actes Sud. Mais Claude Rouquet, de L'Escampette, a l'oeil : il a trouvé dans ces trois textes écrits à des années de distance une cohérence, une pertinence. Il fait partie des résistants à la bêtise. Il y en a encore quelques-uns ; ils sont dans une situation précaire. Notre santé mentale dépend de ces éditeurs-là, les curieux, les pas très riches mais libres ! Je suis heureux de publier ce livre chez lui.

Télérama : Comment devient-on lecteur ?

Alberto Manguel : Il ne suffit pas de savoir lire pour être un lecteur. La lecture est une activité élitiste. Mais c'est une élite à laquelle tout le monde peut appartenir. Depuis des décennies, on donne à la difficulté un sens négatif. Mais c'est par la difficulté que nous atteignons les étoiles ! Et par la lenteur. Il faut du temps. Or, dans une société où tout va vite, où l'on croit obtenir tout sans effort, difficulté et lenteur sont des expériences que l'on rejette. Au bout de l'effort, pourtant, il y a le plaisir.

Télérama : Pour vous, tout bon professeur devrait enseigner l'anarchie. Vous faites de la provocation !

Alberto Manguel : Je n'écris pas pour soulager le monde ! Si les lecteurs ne veulent pas être dérangés, qu'ils lisent Amélie Nothomb. Enseigner, comme lire, est difficile et demande du temps. Les enseignants sont piégés : ils sont censés éveiller la curiosité, apprendre aux étudiants à penser par eux-mêmes, et, en même temps, ils ont l'obligation de leur faire respecter les codes d'une société qui refuse que l'individu pense par lui-même ! L'école prépare à lire de la propagande : ce qui est superficiel, qui défile sur des écrans, slogans, publicités, etc. Je prends l'exemple de Pinocchio. En bon pantin, il lit les mots, mais ne les digère pas, il les répète comme un perroquet. Il est incapable d'incarner un texte, d'en déceler les richesses, à savoir les ambiguïtés... La pensée, la réflexion fonctionnent comme un muscle. Si on ne s'en sert pas, il s'atrophie. Les professeurs n'ont pas d'autre choix que d'entrer en résistance.

Télérama : Qu'est-ce qu'un classique pour vous ?

Alberto Manguel : Une oeuvre qui s'ouvre de génération en génération, qui redevient neuve à chaque lecture. C'est notre héritage, le lien entre le passé et le présent. Je cite beaucoup d'écrivains, j'adore me souvenir d'un passage de leurs écrits. De nos jours, c'est mal vu. Toujours cette arrogance à refuser la nourriture, la richesse, à aller plus loin.

Télérama : Vous affirmez que « toute crise de société est une crise de l'imagination ». Nous y sommes ?

Alberto Manguel : Et comment ! Les spectateurs rivés à leur poste prennent la téléréalité pour la réalité. Ils ont du monde une perception totalement fausse. Il n'existe plus d'espaces publics sans musique, sans images. Tout est organisé pour que l'on soit sans cesse sollicité, abruti, dans un environnement agité, bruyant. Je sens une atmosphère fascisante dans cette façon de s'adresser aux gens, d'appréhender l'éducation, de restreindre l'imagination.

Télérama : Que pensez-vous du développement d'Internet ?

Alberto Manguel : Ce qui m'inquiète, c'est que la technologie prenne le pouvoir sur les utilisateurs. Internet est une illusion de la communication qui nous est imposée comme une nécessité. Or, elle se déploie par une volonté purement économique, sans justification intellectuelle. La grande question reste : à qui cela profite-t-il ? A Buenos Aires, ma grand-mère refusait que l'on installe le téléphone à la maison. Elle disait que c'était comme parler à des fantômes. Aujourd'hui, le monde entier communique avec des fantômes. Moi, je préfère, lire, converser, deux choses qui demandent une présence.

Télérama : Vous n'utilisez donc pas le web ?

Alberto Manguel : Non. Quelle idée !

Télérama : Vous publiez aussi un premier roman, chez Actes Sud, Un amant très vétilleux. Vous faites le grand saut dans la fiction ?

Alberto Manguel : Mon éditeur brésilien a une collection de textes érotiques et m'a sollicité. Soit on est André Pieyre de Mandiargues, soit on est Catherine Millet. Par peur de devenir Catherine Millet, j'ai dit non. Et puis, un jour, j'ai imaginé un personnage obsédé par le détail. Il est employé aux bains-douches. Il épie chaque détail des corps sans voir l'ensemble. Je me suis bien amusé. Maintenant, j'ai envie de continuer à inventer des histoires. J'en ai marre des livres !


(1) L'Office du livre en Poitou-Charentes, en accord avec l'auteur et l'éditeur, diffuse gratuitement dans les lycées de la région 5 000 exemplaires de Pinocchio & Robinson. Belle initiative !"

Passionnant, non ? thumleft

Avant de vous faire part de mes propres réactions face à cet article - et surtout à ce que Manguel y dit du Net - j'attends les vôtres. Merci. Wink
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clarabel
Bavard
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MessageSujet: Re: "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel   "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel EmptyMar 5 Avr - 11:50

Merci pour cet article ! Il est très intéressant à lire, Alberto Manguel est une figure qui me fascine et m'attire, & j'ignore pourquoi je n'ai pas encore lu un des ses livres à ce jour !!!!! :shock: Sad

Bref, dans l'article, il y a du bon et du moins bon. Je ne suis pas tout le temps d'accord avec ses propos, comme je n'aime pas lorsqu'il dit que lire est une activité élitiste !!! bouh !! ça frise la pédanterie, désolée... Il faut du temps, c'est accessible à tous, juste s'en donner la peine & le temps encore une fois !.. bof...

La lecture est méprisée, menacée ?... euh, j'ai lu dans lire que la vente des livres a augmenté de 4% l'an dernier, donc le milieu se porte assez bien, quoiqu'on en dise, quoiqu'on pense !.. Après je ne réponds pas des livres achetés !.. quelle qualité ont-ils ?.. s'il s'agit des dernières daubes sur tel ou tel pipole qui nous pond sa bio sous couvert d'un nègre... mouaip... Après il y a les grosses ventes, genre da vinci code, amélie nothomb, marc lévy etc... Bof aussi !.. Chacun son truc, mais là moi je décroche ! Mad

C'est pour ça que je le rejoins quand il parle "d'enjeux financiers" !!!! pfff... What the fuck ?!?

J'aime sa définition de "l'acte de lire" !!!!! I love you I love you

D'accord aussi quand il dit que "la société dévalorise la lecture & le lecteur" - le genre binoclard, seul dans son coin ... rhalala !!! c'est vrai tout ça !!!!! Alors que moi, par exemple, grande grande lectrice, je ne porte pas de lunettes & choisit la solitude quand j'en ai envie, sinon je suis très -trop- entourée ! Mr.Red

Dans mon village, ils ont fermé la bibliothèque - restriction budgétaire ! Evil or Very Mad

"Fabriquer des best-sellers" !!!!!!!! voilà le grand danger dans la liberté de lire, je trouve !! La menace des livres.. Alberto Manguel l'explique assez clairement et je suis d'accord là-dessus ! Les best-sellers & moi, ça fait deux, généralement. scratch

Je partage aussi son opinion sur l'enseignement. Etre consensuel, actuellement, ça touche tous les domaines !!!!! pfff... Thumb down

Pour le manque d'imagination... là, j'hésite. Je prends mon cas, chez moi la musique est tout le temps présente, et depuis toute petite ma fille s'abrutie devant des dvds. C'est par choix, à défaut de se plonger devant les bêtises de la télé, j'ai préféré contrôler ce qu'elle pouvait regarder, entendre, etc... Du coup ma fille, à cinq ans, regarde toujours que des dvds à la télé (Bob l'éponge, elle connaît peu !!! :shock: ) mais là où je trouve avoir "réussi" c'est qu'elle a une très grande imagination !!! très créative, etc...

Donc je ne pense pas qu'à force d'être sollicité, abruti dans un environnement agité, bruyant... pour appréhender l'éducation (par exemple !) on restreint l'imagination !! Evil or Very Mad

Haro sur le web ?.. euh non plus !! moi j'en suis accro, désolée ! colors

Et j'aime quand il parle de son dernier livre, "Un amant très vétilleux" !! ça donne envie !!!!!!! thumleft study



désolée zai été longue...
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Ane Bâté
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MessageSujet: Re: "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel   "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel EmptyMar 5 Avr - 12:06

Mais non, bien au contraire, Clarabel ! thumright L'article soulève tant de choses qu'il faut bien y répondre.

Merci pour tes réactions. Et n'hésite pas à rajouter quelques points au cas où tu les aurais oubliés.

J'attends qu'il y en ait encore quelques autres pour donner la mienne. Wink
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rotko
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MessageSujet: Re: "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel   "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel EmptyMar 5 Avr - 22:25

Merci "Ane passibâtéqueça" pour cet article long et riche. Pour ne pas fatiguer les lecteurs je developpe seulement deux ou trois points !

La lecture comme émancipation. Oui car elle offre un discours non convenu qui remet en question le sens habituel. Dans "En attendant les barbares" Coetzee montre comment s'installe le totalitarisme né de la peur de l'autre, ses methodes, et les lâchetés sur lesquelles il compte. On y a vu une condamnation u régime de l'apartheid et ce n'est sns doute pas entièrement faux. Toutefois dans "Disgrâce" le message a semblé différent, et on a taxé ce beau livre inquiétant, de roman "neo colonial" catr il ne brossait pas les lecteurs dans le sens du poil.
Bref, plutôt que de lire mes fadaises, voyez les comptes-rendus que j'en donne, ne prenez pas ces comptes-rendus pour argent comptant, et lisez-les livres, nous en discuterons.

Un forum est un lieu d'échange des "lectures " de lecteurs. Bien souvent nos interpretations sont différentes, parfois opposées, et à discuter on s'ouvre des horizons. Un livre n'est pas un tract politique réducteur, mais un questionnement de la réalité.

Le livre de Jean Hatzfeld essaie de faire comprendre comment des copains de football ont pu participer à un génocide. On les écoute, et on doit faire un effort pour se dégager de ce qu'ils racontent. Le recul, voila ce qui fait pour une part le lecteur.

Activité élitiste : "La lecture est une activité élitiste. Mais c'est une élite à laquelle tout le monde peut appartenir" car elle exige de nous un effort pour tendre vers le meilleur, au lieu de se laisser séduire par le degré zéro de l'histoire.

Sur le marché de l'édition, vous avez tout dit. Oui il faut demystifier des best sellers qui abusent des lecteurs dans tous les sens du mot, y compris lorsque les mêmes éditeurs publient des volumes démystifiant les bestsellers mystificateurs. Faux codes décodés etc... Les lire, c'est soustraire du temps à la réflexion que demande un bon livre. Enfin je pense à Talisma Nasreen cette résistante du Bangla Desh insurgée contre l'islamisme oppresseur. Elle disait que le pire scandale intellectuel est que cette ideologie religieuse soit répandue par des livres, repose sur des hadiths.
Le livre est un instrument d'emancipation, oui, mais l'endoctrinement notamment religieux et le culte de l'argent en dénaturent le vrai rôle.
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Ane Bâté
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MessageSujet: Re: "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel   "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel EmptyMer 6 Avr - 20:15

1) « Enseigner, comme lire, est difficile et demande du temps. Les enseignants sont piégés : ils sont censés éveiller la curiosité, apprendre aux étudiants à penser par eux-mêmes, et, en même temps, ils ont l'obligation de leur faire respecter les codes d'une société qui refuse que l'individu pense par lui-même ! L'école prépare à lire de la propagande : ce qui est superficiel, qui défile sur des écrans, slogans, publicités, etc … »

Manguel voit juste. Il y a en effet – et depuis de longues années Evil or Very Mad - une tentative sournoise de ridiculiser l’acte intellectuel et la culture, et ceci dès l’école, hélas ! (Attention : je n’incrimine pas les professeurs, je parle avant tout des technocrates de l’EN. Je déplore par contre que le corps enseignant ne se rebelle pas un peu plus. Apparemment, Manguel partage mon avis … Wink ) En effet, plus les gens lisent et se cultivent, plus ils s’ouvrent l’esprit. Partant, ils se remettent en question mais ils remettent aussi en question ce qui les entoure. Ils peuvent donc devenir dangereux pour le pouvoir, que celui-ci soit totalitaire ou pas. La Révolution française, on ne le rappellera jamais assez, arriva d'abord par les livres des Philosophes.

2) C’est vrai que l’intellectuel est toujours très mal présenté. Confused Quant aux pseudo-« intellos » qui s’étalent sur les chaînes télévisées, franchement, ils contribuent énormément à véhiculer cette image pédante et prétentieuse. « Il y a urgence à refuser la grosse artillerie commerciale, à soutenir les libraires et les éditeurs indépendants » : oh ! que oui ! Quand je vois les titres mis en évidence dans les librairies ou dans les grandes surfaces, je suis scandalisée. Comment ceux qui n’ont pas eu la chance de s’intéresser très tôt à la littérature peuvent-ils échapper au triumvirat de la Vulgarité, de l’Ignorance et du Fric ? On en parle à la télé, alors on achète. Non seulement c'est idiot mais encore cela est typique des moutons de Panurge. Mr. Green

3) La comparaison entre les diktats honteux des grandes maisons d’édition et un régime totalitaire, religieux ou pas, me paraît excellente.

Quand je lis, sur le Net notamment, les « conseils » de certains Mr. Green pour « formater » un livre à succès, je suis révoltée. Où est la passion, là-dedans ? Le simple talent ? Pour ne rien dire du génie ? De nos jours, un Proust serait dans les choux – où faillit d’ailleurs le laisser André Gide – pour cause de longueurs superflues. Où est la différence qui fait tout ? Ce petit quelque chose en plus qui fait qu'une femme sans réelle beauté séduira toujours et qu'un livre tout simple accrochera le lecteur à un point tel qu'il ne le quittera qu'à 3 heures du matin après l'avoir "dévoré" ?

On s’étonne que la littérature française soit réduite à quia mais n’est-ce pas normal puisque, de toutes façons, on l’étouffe dans l’œuf ? Les grands artistes, quels qu’ils soient, se sont faits remarquer pour leur originalité, parce qu’ils sortaient du lot, non parce qu’ils copiaient bêtement ce que faisait leur voisin. Manguel voit juste quand il dit : « Je sens une atmosphère fascisante dans cette façon de s'adresser aux gens, d'appréhender l'éducation, de restreindre l'imagination. »

4) « Il ne suffit pas de savoir lire pour être un lecteur. La lecture est une activité élitiste. Mais c'est une élite à laquelle tout le monde peut appartenir. Depuis des décennies, on donne à la difficulté un sens négatif. Mais c'est par la difficulté que nous atteignons les étoiles ! Et par la lenteur. Il faut du temps. Or, dans une société où tout va vite, où l'on croit obtenir tout sans effort, difficulté et lenteur sont des expériences que l'on rejette. Au bout de l'effort, pourtant, il y a le plaisir. » Sans commentaires : j’adhère totalement ! cheers

5) En revanche, je ne souscris évidemment pas aux propos de l’écrivain sur le Net. Mais il avoue lui-même ne pas utiliser le Web dont il n’a, certainement, qu’une vision bien restreinte.

Qu’on le veuille ou non, le Net a un rôle à jouer dans la pérennité de la culture – et du livre. Il y a quelque chose de profond qui s’installe dans les sites d’édition en ligne – surtout lorsqu’ils sont d’une qualité et d’un sérieux exceptionnels comme, par exemple, celui d’Alexandrie. Et ce quelque chose - je regrette que Manguel l'ignore - c'est bien la volonté de résister, d'aller à la pêche à la lecture, au manuscrit qui dérange ou qui fait "tilt" même si aucun "grand" éditeur n'en a voulu. Quant aux forums littéraires, ils sont excellents pour donner des pistes à tous les lecteurs, du lecteur chevronné au au lecteur timide qui - il y en a - qui n'ose pas demander à un libraire de l'orienter. Et puis, au moins, on y partage une passion, et pas n'importe laquelle, ce vice impuni qu'est la lecture. N'est-ce pas déjà la meilleure raison pour qu'ils existent ? Smile
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rotko
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MessageSujet: Re: "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel   "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel EmptyMer 13 Avr - 20:58

Ane Bâté a écrit:
4) « Il ne suffit pas de savoir lire pour être un lecteur.[...]Au bout de l'effort, pourtant, il y a le plaisir. » Sans commentaires : j’adhère totalement ! cheers

La lecture est parfois difficile, et certains lecteurs, devant des oeuvres qui désarçonnent, abandonnent le livre au bout de quelques pages, voire de 100 pages. Moi-même j'avais eu la meme réaction devant le livre d'Arundhati Roy "Le Dieu des Petits Riens". Toutefois, devant les jugements de personnes en qui j'avais confiance, j'avais décidé de remettre la lecture à plus tard, dans l'espoir d'être plus disponible, et plus accueillant. J'ai ainsi révisé certains jugements précipités sur quelques auteurs trop hâtivement délaissés. Ainsi j'ai decouvert "Max Havelaar" de Multatuli,"la bicyclette de leonard" de Paco Ignacio Taibo Dos, et Arundhati Roy "Le Dieu des Petits Riens".
Pour certains livres, il faut abandonner nos grilles de lecture traditionnelle, sinon on fait l'impasse sur des oeuvres plus originales, voire novatrices. Croyez-moi, je suis très content quand je me vois récompensé de mes efforts, comme ce fut le cas pour les trois auteurs cités. Multatuli est un auteur marquant, comme le prouve la postérité du nom "Max Havelaar" dans beaucoup de domaines, Paco Taibo II est maintenant encensé partout, et j'ai rencontré dans les scènes finales d'Arundhati Roy ["Le Dieu des Petits Riens"] une émotion rare.
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Val de Trèfle


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MessageSujet: Re: "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel   "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel EmptyVen 15 Avr - 1:14

Ane Bâté a écrit:
4) « Il ne suffit pas de savoir lire pour être un lecteur. La lecture est une activité élitiste. Mais c'est une élite à laquelle tout le monde peut appartenir. Depuis des décennies, on donne à la difficulté un sens négatif.
"Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel 2394
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Ane Bâté
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MessageSujet: Re: "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel   "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel EmptyVen 15 Avr - 17:13

Merci, Val. Tu me flattes ! Mais c'est Alberto Manguel qui a écrit ça. Ceci dit, j'adhère totalement. "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel 00602
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Colomba
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MessageSujet: Re: "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel   "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel EmptyVen 22 Avr - 13:01

Lire !
Donner l'envie , le goût de lire , même n'importe quoi !
Après viendra le temps du choix, du tri !
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Ane Bâté
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MessageSujet: Re: "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel   "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel EmptyVen 22 Avr - 15:23

Oui, dans l'enfance, surtout si elle est solitaire, tout est bon ! Pour moi, ce fut "Le Club des Cinq", "Alice" et, dès sept ans, après la mort de ma grand-mère, les romans à l'eau de rose de Delly ... Eh ! oui !

L'essentiel, c'est de lire, lire, lire ... "Lire, c'est prendre le pouvoir" - Alberto Manguel Respect4
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