Eric Fottorino, Korsakov, Gallimard
02070747468
Que cherchait Rembrandt dans ses autoportraits ?
Préambule.
Première époque, "une famille française". L'enfant, François Ardanuit, voit les différents adultes qui l'entourent, avec leur manque de maturité ou leurs décisions irresponsables. Il faut dire que la famille Ardanuit laisse songeur, aussi bien dans ses mythes fondateurs, que dans le présent de ses protagonistes . L'écriture est belle puisque le lecteur voit plus loin et mieux que l'enfant, tout en restant sensible à la fraîcheur de ses impressions.
Dans la deuxième époque, Francois Ardanuit, devenu Francois Signorelli, découvre qu'il est atteint du syndrome de Korsakov. Ironie tragique d'un diagnostic établi par lui-même, en connaissance de cause, puisqu'il est un spécialiste reconnu de cette maladie. Le syndrome de Korsakov désigne une altération de la mémoire, un effacement progressif des souvenirs, auxquels le malade supplée par un mélange de fabulation et de faux-souvenirs.
Vue générale.
On assiste donc à une reconstitution des épisodes passés de la vie de Francois, bribes par bribes, comme pour le reconstitution d'une identité qui se désagrège et/ou se révèle incapable de se constituer. Le premier visage regardé dans un miroir reflète l'environnement Ardanuit, un milieu centrifuge, où l'enfant dans la pénombre cherche en vain le phare d'un foyer harmonieux. Plus tard, dans l'épisode Signorelli, nom lumineux, les repères familiaux s'établissent, non par le sang, mais par le coeur, instants de bonheur, d'équilibre, et de rassemblement. Pause - que viendront troubler les aleas de la vie et les mensonges - ou erreurs, d'un mythe fondateur.
La vie d'adulte de Francois se ressent de ces vicissitudes, et les rapports avec sa propre famille d'adulte sont si dramatiques que "Korsakov" jouera un rôle salutaire.
"Korsakov entre en moi comme un soulagement, une grâce qui m'est donnée, le signe d'une providence inespérée. Jene vaispas lutter. Korsakov est là pour me délivrer. Je serai son complice.Mes mauvais souvenirs, les images terribles qui me hantent depuis la longue nuit Ardanuit, je les lui offre sans retenue. Il peut tout prendre. Sauf Fosco mon grand-père, le cavalier du désert. a présent, lui seul mérite encore de vivre dans ma mémoire".
Le dernier épisode "le cavalier du Chott" apparaît donc comme un pôle final, mi-véridique, mi-fabulé, tel un analgésique assurant l'ultime rémission.
Le récit témoigne d'une grande virtuosité cachant sa complexité sous des lignes simples. Pour bâtir une telle histoire, où un individu scrute son visage pour enfin se reconnaître, l'intelligence s'allie à la sensibilité. On se dit que cette fiction repose sur un vécu douloureux, que les mots, noms de famille ou faux-calembours, viennent exorciser.
Ces temps-ci, j'aurai lu deux livres excellents : une suite française d'Irène Nemirovsky, et Korsakov d'Eric Fottorino.