Alessandro Baricco, Novecento : pianiste, Folio.
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La musique et la mer.
Dans ce récit mis en scène, intervient une figure de légende, celle d'un enfant né à bord d'un paquebot, et qui y demeure comme pianiste, sa vie durant. D'abord la légende d'un nom, puis la révélation d'un pianiste précoce, au talent inédit. Il conjugue la mer et la musique, comme si celle-ci pouvait naître spontanément de celle-là. On retrouve un mythe romantique, celui de l'artiste qui ne peut pas plus quitter son univers qu'il ne peut en exprimer l'essence.
Baricco nous la joue sur tous les tons : présentation loufoque du navire et de l'orchestre, où le boniment scelle d'emblée une complicité avec le public, duel musical de Novecento avec Jelly Roll Morton, où le suspens le dispute à l'humour, petit concert impromptu sur un piano malmené par les flots.
Orales, les phrases servent une mise en scène où un comédien censé évoquer Novecento devient le personnage qu'il incarne. De même le spectateur-lecteur s'identifie avec l'étrange pianiste.
On aimerait être ce pianiste-né, on admire l'écrivain qui par les "mots" suscite des "notes" - parenté des vocables unis dans la poésie. Baricco joue du langage avec une déconcertante aisance, il a le sens de la réplique, il donne aux phrases le rythme qui les scande, si bien que le texte, porteur d'images oniriques et de personnages fabuleux, matérialise nos musiques rêvées.