Zola, L'argent, LGF
"un terreau nécessaire"
Comme presque tous les romans de Zola, "L'argent" suit une courbe : la montée en puissance d'un empire financier, une apothéose au chapitre 8 -le triomphe de l'Universelle (la banque)- de l'Exposition Universelle et du Second Empire, puis le déclin dû aux lâchages des associés de Saccard et à des offensives bancaire et politique.
Très belles pages sur le Liban, vu comme un pays d'abondance, une sorte de paradis terrestre financier
) On trouve aussi des scènes sexuelles interrompues de manière assez cocasse.
Ce qui peut poser problème actuellement dans ce roman de 1891,(affaire Dreyfus en 1894) ce sont les
accents antisémites.
Dans le
contexte historique on retrouvera sans peine une offensive victorieuse de la "banque juive" contre la "banque catholique", ce qui peut expliquer les incessantes tirades de l'antisémite Saccard. Mais Saccard n'est pas le seul ! Massias et Marcelle femme de Jordan, embouchent les mêmes diatribes. On trouve dans ce roman une
typologie physique des Juifs, avec un "nez en bec d'aigle" au milieu d'une "face plate". Ils ont une "odeur", revers sans doute de leur "flair" en affaire ! Ils ont aussi une typologie morale, le
goût inné de l'argent, le sens de la réussite,et "la passion juive de la famille, de la lignée".
Et les thèmes "antisémites" ? La puissance de l'argent apatride, le thème du complot de la juiverie internationale "armée insaisissable et partout agissante", la trahison avec les gouvernements complices. Tout est de la faute de Gunderman, un "Prussien de l'intérieur, bien qu'il fût né en France".
Une seule déclaration de tolérance par Caroline ["Pour moi, les Juifs, ce sont des hommes comme les autres"] qui fit peu de poids face aux adjectifs dépreciatifs et aux comparaisons des Juifs avec des "oiseaux charognards". On trouve aussi un Juif idéaliste, c'est-à-dire désintéressé, mais là encore jugé à l'aune ambiante : le goût de l'argent.
Qu'en penser ?Dans ce roman, Zola s'inspire de la
faillite frauduleuse du Credit Immobilier (1866-1867),et de "l'Union Générale",en 1882. Bontoux, connu pour son cléricalisme et ses idées monarchistes, prend en 1878 la direction d'une banque "l'Union Générale", créée en 1875, qui fait faillite en 1882. Bontoux est condamné par la justice à 5 ans de prison et 3000 francs d'amende, mais il s'enfuit en Espagne d'où il publie en 1888 un plaidoyer pro domo, allèguant qu'il a succombé à des intrigues judeo-maçonniques.
En fait, précise notre préfacier Pierre Dehaye, de l'institut, dans cette affaire il y eut les responsabilités propres de Bontoux, et ses turpitudes. La banque Rothschild ne fut qu'un élément parmi d'autres de la coalition contre L'Union Générale "appuyée sur les milieux catholiques, conservateurs et antisémites".
Zola utilise donc en les simplifiant des thémes antisémites qui étaient courants (et telecommandés !) à son époque.